Comment décrirais-tu ton métier ?
Avant tout, je suis journaliste. Je réalise des longs formats et je suis également cheffe de service adjointe pour l’émission Grands Reportages chez TF1 Productions. Mon métier si je devais le décrire, c’est de rencontrer des gens, de devenir spécialiste dans tous les domaines, sur toutes thématiques. Je crois que le plus important c’est de bien comprendre pour bien raconter.
Tu as toujours voulu faire ce métier ?
Non. Je voulais être comédienne. À l’école j’étais assez moyenne, voire même plutôt du genre mauvaise élève. Je n’ai pas passé mon Bac, je séchais beaucoup ! Je ne me destinais pas du tout à faire des études de journalisme. J’étais assez engagée politiquement, surtout dans la cause des femmes et un jour, à 21 ans, je me suis dit que je devais reprendre mes études. J’ai donc repassé mon Bac, fait de la sociologie puis des études de journalisme.
C’était indispensable ce passage par la case “études”?
C’est un passeport, un sésame indispensable, j’ai mis un peu de temps à le comprendre. Je viens d’une famille d’intello mais plutôt populaire. Ne pas avoir le Bac c’était clairement la honte. J’ai un frère et une soeur. Pour nous, nos carrières sont comme des revanches : mon frère est avocat dans un grand cabinet et ma soeur cheffe de service dans une grande association de femmes victimes de violence.
Où as-tu fait tes études de journalisme ?
J’étais à l’institut Européen de Journalisme pendant 4 ans. C’est là que j’ai rencontré Matthias Favron qui était un de mes profs. J’ai pu commencer à me faire un réseau. Je suis devenue moi-même prof pendant 3 ans dans cette école d’ailleurs. J’ai adoré la pédagogie et le fait de transmettre. Ce qui me plaisait c’était de former, en essayant d’être la plus honnête possible avec les nouvelles générations. C’est un métier difficile, c’est bien de rêver mais je crois que c’est important aussi de leurs dire la vérité.
Où as-tu démarré ?
J’ai commencé en radio chez France Inter pour une émission qui s’appelle “Ça va pas la tête?” avec Ali Rebeihi. J’ai vraiment aimé cette expérience mais il n’y avait pas d’opportunité de boulot pour moi. Rapidement, Matthias m’a proposé un stage de 6 mois chez TF1 Prod. Je n’étais pas la meilleure élève de la promo loin de là, mais je crois que j’avais une bonne capacité à entrer en contact avec les gens. Enfin je pense que c’est ce qui lui a plu. Au bout de 3 ans il m’a proposé un CDI et encore aujourd’hui je lui en suis très reconnaissante. J’ai toujours eu un petit syndrome de l’imposteur, donc je me demande souvent ce que je fais là. Mais je suis chez TF1 prod depuis depuis 2015, j’ai fait tous les postes : stagiaire, enquêtrice et maintenant réalisatrice.
C’est quoi ta journée type ?
En moyenne, je réalise 3 sujets par an de 60 minutes chacun. Donc j’ai un rythme assez soutenu, mais j’adore ça. En parallèle je suis adjointe. Pour commencer ma journée, je lis la presse et j’écoute la radio. Ensuite, je fais un point sur les sujets en cours avec les enquêtrices. Je corrige des fiches de témoins, j’échange avec des réals, et nous réfléchissons à de nouveaux sujets à proposer à la chaîne. Les journées varient vraiment en fonction du moment où j’en suis avec mes sujets. Et puis surtout, je suis en tournage ou en montage chez Atlantis.
Comment se construisent les sujets ?
Nous produisons entre 15 et 20 sujets par an pour Grands Reportages. Nous proposons des sujets en continu. Il y a parfois des reportages qui mettent 2 ans à sortir. On ne peut pas s’intéresser aux gens juste le temps d’un sujet. On a un vrai attachement et une relation de confiance à tisser avec eux. Ils nous ouvrent les portes de leur intimité alors je crois qu’on leur doit ce respect, cette empathie, cette bienveillance. C’est Laura Chemouny qui m’a appris tout ça. C’est vraiment dans son ADN et je suis très fière qu’elle m’ait transmis ces valeurs là du métier.
Tu travailles sur quoi en ce moment ?
Je viens de terminer une série en 3 épisodes sur les changements de vie qui sera bientôt diffusée. C’était une aventure incroyable, j’ai eu la chance de partir en Polynésie ou encore au Congo, dans la jungle. Nous étions dans des conditions particulières avec un vrai défi physique et technique, c’était fou. Et en ce moment, je prépare un sujet sur les clubs de vacances et un autre sur les bonbons.
Quel est ton meilleur souvenir de tournage ?
Je dirais le Congo. Je suis restée 8 jours. C’est un autre monde. Je me suis retrouvée nez à nez avec des gorilles, nous avons vécu une aventure hors-normes. C’est une drôle de sensation au réveil : tu es perdue dans la jungle, il y a une liberté folle malgré les difficultés physiques. Mon témoin est un homme incroyable, il a créé les premières croisières-safari sur place. C’est un parisien qui a tout quitté, un aventurier dans l’âme. Nous étions à 3 avec un guide. Pendant 4 jours, on doit porter le matériel, notre eau, tout et tu marches 25 kilomètres, tu dors par terre. Enfin bref, c’est l’aventure et c’est tellement bon ! C’est Jeanne Vermech, une enquêtrice pépite de chez nous, qui a trouvé ce témoin. Il y a 2 enquêtrices qui travaillent pour le pôle, Jeanne et Lina Boudjeroudi. J’ai des réunions éditos avec elles et elles cherchent des profils, nous les validons avec le rédacteur en chef Stéphane Rodriguez et après nous les soumettons à la chaîne.
Qu’est ce que tu préfères dans ton métier ?
Les tournages ! De très loin les tournages, et peu importe le lieu même à Dijon ou Châteaudun ! Déjà, il y a une équipe de chef opérateurs avec lesquels je travaille depuis des années et cette relation de confiance est précieuse. Je travaille beaucoup avec Richard Michel et Neal Mc Ennis. Il y a aussi Julien Ferrat, JRI, avec qui je suis parti au Congo notamment. Ce sont des aventures professionnelles formidables les tournages, nous créons de vrais souvenirs et certains sont devenus des amis.
Quand tu pars, tu dois avoir des aventures qui ne se déroulent pas toujours comme tu le voudrais ?
Oui… Nous nous sommes retrouvés enfermé dans un van en pleine tempête en Islande avec le chef opérateur. Nous étions perdus et des rafales de cailloux arrivaient, pare-brise cassé et stress maximum. Nous ne pouvions pas bouger. Nous ne nous connaissions pas, il faut composer et garder la tête froide. C’était assez dingue.
Quelle est la place des femmes dans ton métier, il y a beaucoup de femmes journalistes.
Il y a plus de réalisatrices femmes en effet. Je pense que c’est dû à l’écoute, à l’empathie et à la bienveillance. Je crois que d’une manière générale, la société se méfie moins des femmes. Les hommes, eux, sont souvent à des postes de management. Peut-être qu’un jour ça changera.
Le sujet que tu rêves de traiter ?
Il y a deux thématiques qui m’intéressent profondément : le milieu carcéral d’abord. Et dans un autre domaine, j’adore tous les sujets d’aventure. Plus les sujets sont des défis physiques et techniques plus je ressens une satisfaction à sortir un beau reportage.
Tu te vois où dans une dizaine d’années ?
Plus que tout, j’ai envie de continuer à faire des sujets et à terme j’aimerai me former au management pour devenir un bon manager. Mais j’ai besoin de continuer à faire des sujets. C’est comme une drogue.
Qu’est ce qu’il faut pour être une bonne rédactrice en chef ?
Disons que j’ai tellement aimé être managée par Laura Chemouny, que j’essaye de me calquer un peu sur sa méthode. J’en suis encore très loin bien sur. La bienveillance, la curiosité, l’écoute, et ténacité sont des valeurs indispensables. Je pense aussi que c’est important d’avoir du flair et une petite dose de culot.
Quelles sont les personnes qui composent ta rédaction ?
Mon patron, c’est Matthias Favron, c’est lui qui m’a tendu la main pour la première fois et je ne l’oublierai jamais. Il m’a accordé sa confiance, m’a fait grandir aux côtés de Laura Chemouny. Ils sont mes deux piliers. Maintenant, j’expérimente un nouveau duo avec Stéphane Rodriguez, rédacteur en chef Grands Reportages. Ca se passe très bien et c’est une dynamique nouvelle, un souffle qui je crois fera du bien à la rédac. Avec Laura, nous sommes devenues amies, c’est comme ma grande sœur. Elle m’a tout appris, après 10 ans de collaboration, elle me surprend toujours, c’est assez dingue. Matthias et Laura continuent de m’apprendre beaucoup de choses. Il y a aussi les enquêtrices avec lesquelles je travaille, les équipes de tournage et les monteurs bien sur : Rodolphe Zagoury, Julien Benmoussa et Nicolas Bellot entre autres. Nous avons une production extrêmement compétente aussi et c’est un maillon indispensable pour sortir un film, avec Laetitia Silvestre, Nathalie Lambert et Estelle Ceindrial et une post-prod au top du top avec Manu, Isabelle et Rachel.
Quel est ton lien avec Atlantis ?
J’ai une anecdote en tête. La première fois que je suis arrivée chez Atlantis, j’étais stagiaire. J’entre dans les locaux et j’hallucine : un baby-foot, un petit-déjeuner. Nous sommes dans un cadre de travail exceptionnel. J’étais toute jeune stagiaire et super impressionnée, j’ai tout de suite eu envie de travailler ici. C’est la maison Atlantis.