Dans les émissions de télé, qui écrit les commentaires de la voix off qui disent tout haut ce vous pensez souvent tout bas ? Rodolphe de Laboulaye est auteur. Il partage avec nous les secrets de son métier et son parcours.
Quel est ton métier ?
Je suis auteur de voix off. Aujourd’hui, dans bon nombre d’émissions de divertissement, il y a une nouvelle forme de narration. La voix off ne se contente plus de faire des commentaires factuels et descriptifs. Mon travail consiste à raconter une histoire tout en y ajoutant une dose d’humour. Il faut veiller a ne pas en faire trop. La voix off n’est pas là pour faire un show, les stars des programmes ce sont les candidates et les candidats.
Comment travailles-tu ?
Mon bureau c’est un peu Wall Street, j’ai 4 écrans, un banc de montage, un micro etc… Grosse production 🙂 J’interviens une fois l’épisode construit par le chef d’édition et validé par le rédacteur en chef. C’est déjà très abouti, mon rôle est juste d’ajouter une dose d’humour ce que tout le monde s’efforce déjà à faire : chef d’édition, rédacteur en chef, chef de projet, monteurs : c’est un vrai travail d’équipe. Quand le commentaire est bon, c’est parce que le travail a été bien fait en amont, de la prépa au montage en passant par le tournage. Je ne regarde jamais l’épisode avant, je préfère écrire au fur et à mesure pour gagner en spontanéité. À la fin de la journée, j’enregistre les commentaires que j’ai écrits. Ils sont ensuite posés par un monteur avant que l’épisode ne soit envoyé à la chaîne pour validation.
Combien de temps mets-tu en moyenne pour un épisode ?
Beaucoup de temps. En moyenne 9 heures. Les pauses déj : je ne connais pas. J’écris 30 à 40 pages par jour. On ne se rend pas compte car un épisode c’est 40 à 50 minutes en moyenne. C’est un travail qui est long et il faut garder le rythme. Je me rappellerai toujours du premier épisode que j’ai écrit. À 18h30 j’entendais le reste de l’équipe se souhaiter une bonne soirée, se dire “à demain”. Moi, à cette heure là, je n’avais écrit que 7 petites minutes : l’angoisse. Aujourd’hui, mon chiffre repère c’est le 17. Si à 17h00, je n’ai pas fait au moins 17 minutes d’épisode, c’est que la journée va être longue.
Quel est ton parcours ?
Après une licence de lettres et langues à Paris, j’ai fait l’Ecole supérieure de journalisme. Par chance, j’ai été appelé pour un stage à Europe 1 pour rejoindre l’équipe de Jean-Marc Morandini. Ensuite tout est allé très vite. J’ai été embauché et on m’a proposé de faire de l’antenne… À l’époque, l’émission était écoutée par près de 2 millions d’auditeurs. On ne fait pas le malin quand on a que 23 ans et qu’on doit s’adresser à tout ce petit monde. Puis, j’ai bifurqué vers la télé en tant que chroniqueur d’abord puis, à partir de 2009, en tant que producteur exécutif de la quotidienne : Morandini ! sur Direct 8. La meilleure école qui soit. Le rythme de la quotidienne est excitant mais épuisant aussi … Disons que je suis content de l’avoir fait jeune… Quand l’émission s’est arrêtée en 2012, je suis resté au sein de la société qui la produisait, à savoir Endemol. J’ai notamment été le rédacteur en chef de la deuxième partie de soirée d’une émission qui n’est malheureusement pas restée dans les annales : Un air de star sur M6. On s’est beaucoup amusé à la faire. Le ton était décalé. C’est d’ailleurs ce ton qui a poussé Anne-Sophie Larry, (à l’époque directrice des programmes de flux a M6) à souffler mon nom à la production d’Hervé Hubert qui cherchait un auteur pour son programme Les reines du Shopping.
Je ne connaissais pas cet exercice mais le défi était intéressant, alors je me suis lancé.
Du coup tu travailles pour quels programmes ?
Les Reines du Shopping, Mon plus beau Noël, Les plus belles vacances, Beauty Match…
Tu as un brief particulier à respecter ?
J’ai la chance d’avoir pas mal de liberté. Mais j’ai aussi appris à m’autocensurer…Dans Les reines du shopping, la voix off est masculine. Au début je jouais beaucoup sur les ressorts de la séduction, à flatter une jolie candidate par exemple. Si cela passait en 2014 ce n’est plus le cas en 2020 où l’on est vite taxé de sexisme…C’est ça aussi qui fait que l’on ne s’ennuie jamais dans ce métier, l’écriture d’hier n’est pas la même que celle d’aujourd’hui.
C’est quoi la définition d’un bon auteur ?
Difficile à dire. Je crois qu’il faut surtout être soi-même et ne pas se dire qu’est ce qu’un tel ou un tel aurait écrit. C’est ça qui rendait ma tâche si laborieuse au début. Je me disais “qu’est ce que mon prédécesseur aurait écrit lui” ? À ce petit jeu on ne s’en sort pas. L’auteur doit écrire selon son ressenti et sans pression.
Tu voulais faire quoi quand tu étais petit ?
Je fais partie de la génération qui a connu la guerre du Golfe. J’étais fasciné par ces femmes et ces hommes qui, au péril de leur vie, se rendaient sur place pour nous informer… Souvent les héros dans les yeux des enfants ce sont les pompiers moi c’était les reporters de guerre …
Quelles sont tes passions ?
Vu que pour le travail d’auteur c’est le cerveau qui marche à plein régime, j’ai besoin de faire travailler le corps aussi… Du coup j’essaye de faire du sport tous les jours, j’en fais même à Atlantis où je pratique le Miha Body Tech.
Tu y vas toutes les semaines ?
Au Atlantis Bien-Être pour le sport ? Oui. Un luxe de faire du sport sur son lieu de travail. Chez Atlantis on se sent vraiment bien, j’adore l’esprit loft avec les espaces cuisines, bar, billard même si je n’en profite jamais. Je suis toute la journée enfermé dans ma salle.
Qu’est ce qui te plaît le plus dans ton métier ?
C’est le rythme et les personnes avec lesquelles je travaille, elles sont en OR. J’ai aussi la chance de faire un métier où quand je ferme la porte le soir, j’ai vraiment terminé ma journée et je ne pense plus au travail avant le lendemain. Dans notre domaine, c’est un luxe.
Quels seraient les conseils que tu pourrais donner à un jeune qui voudrait faire ton métier ?
Malheureusement ça ne s’apprend pas à l’école ! Non, pour progresser il faut pratiquer… Écrire et encore écrire. Il faut être très modeste. Tout le monde peut faire ce métier mais il faut bosser. Ce n’est jamais évident de se retrouver face à une page blanche mais à force de pratiquer, on peut tout écrire ou presque. La preuve, je peux parler mode dans Les reines du shopping, gastronomie dans Mon plus beau noël ou encore immobilier dans Les plus belles vacances.
Est-ce qu’il faut un tempérament spécial pour ce métier ? Tu as l’air calme et pourtant on te demande de sortir 10 vannes à la minute !
Ce n’est pas inné chez moi. Je dois rentrer dans un personnage. Je ne suis pas sinistre dans la vie, mais je ne suis pas non plus le roi du calembour. Je suis au service du programme pour lequel je travaille. C’est un exercice passionnant.