Après 27 ans au sein de Coyote, Fabrice Bonanno développe aujourd’hui ses projets à son rythme. Il partage avec nous sa vision de la télé et son parcours.
Quel est ton parcours ?
Je suis originaire de Marseille. Plus exactement, mon village s’appelle Plan de Cuques, je tiens à le citer car ce sont mes racines, c’est mon village et j’y suis extrêmement attaché. Je suis fils de commerçants et j’ai toujours voulu bosse en télé ou radio.
Tu as fait des études dans les médias ?
Pas du tout, j’étais en gestion mais rapidement j’ai arrêté, avec l’accord de mes parents, qui m’ont laissé tenter ma chance dans la voie que je voulais le jour où je leur ai dit que j’allais faire de la radio. Je ne crois pas aux hasards mais aux rencontres et, en fait, un de mes profs était un ancien d’Europe 1 : Lucien Lecat, nous nous entendions bien et quand il me parlait de son métier, cela confortait mon idée de faire de la radio. En 1982, c’est la libération des ondes sous François Mitterrand et avec des copains, nous montons Radio Star à Marseille. C’est aujourd’hui une radio historique et mythique de la cité phocéenne.
Qu’est ce qui te plaisait avec la radio ?
C’est un média génial ! La voix véhicule tellement de choses. Nous avons vraiment fabriqué une antenne radio novatrice et fantastique. Nous étions l’équivalent d’NRJ Paris, un peu sa radio jumelle. Nous organisions même des “Antennes d’Or” où nous décernions des prix créés par le sculpteur César. De grands noms sont venus, comme Serge Gainsbourg et Coluche par exemple. Cette aventure a duré 7 ans.
Comment arrives tu en télé ?
Et bien justement au cours de ces Antennes d’Or ! J’avais proposé à Jean-Pierre Foucault, alors présentateur star sur Radio Monte Carlo, de remettre un prix. Nous nous sommes très bien entendu et c’est devenu un ami très proche. Quand j’ai eu envie de tenter ma chance en télé je l’ai contacté. A l’époque tout se passait “à la capitale”, il me fallait donc une connexion parisienne pour pouvoir commencer. Jean-Pierre m’a présenté à Gérard Louvin qui produisait Sacré Soirée et Ciel mon Mardi. Gérard me reçoit pour faire plaisir à son ami et me dit que Christophe Dechavanne cherche quelqu’un pour diriger sa société de production. L’histoire a duré 27 ans.
Tu avais quelle casquette chez Coyote ?
J’avais la casquette de vice-président. J’avais à ma charge toute l’aspect juridique, social, financier qui me plaisait beaucoup. Également la production, le développement.
Qu’est ce qui te plait le plus dans ces métiers ?
Ce qui me plait le plus c’est de vendre une idée. On se retrouve comme dans une pièce de théâtre dans le bureau de la chaine. Je pense avoir la réputation d’être quelqu’un de droit et du coup, souvent, cela se passe mieux. J’ai toujours été loyal et quand tu tombes d’accord sur une négociation, il ne faut pas revenir dessus. J’aime aussi l’idée de mettre en place une équipe et faire travailler les gens ensemble. C’est de réunir les gens autour de projets communs qui est très intéressant dans ce métier. C’est un peu comme au foot! Il faut savoir encadrer, arrondir les angles, les tensions ne sont jamais saines. Et puis l’objectif est commun : il faut sortir une émission et, en vérité, cela me plaît plus que de sortir un bilan !
Tu parles des équipes. C’est important. Comment on recrute un bon élément en production selon toi ?
Quand je reçois quelqu’un en entretien je me demande toujours si j’aimerais travailler sous ses ordres. Je n’impose pas à mes équipes quelqu’un avec qui je n’aimerais pas travailler. il faut toujours embaucher des gens plus talentueux que soi selon moi. Aussi, c’est toujours bon d’avoir un turnover et de ne pas rester trop longtemps. Dans la création, il faut évoluer.
Quel est le programme dont tu es le plus fier ?
Ciel mon Mardi était déjà à l’antenne quand j’ai rejoint les équipes de Christophe. Je suis arrivé en mars 1989 et le programme a commencé à prendre en février 89 avec la fameuse émission avec Bernard Tapie. Pour moi, Coucou c’est nous est l’émission qui cochait toutes les cases. J’ai vu en presque 30 ans, ce qu’on ne peut plus faire aujourd’hui en télé. Le télé est souvent le reflet de la société. On a perdu en liberté car trop de contrainte et trop d’interdit. C’est comme ça. Aujourd’hui tout est flouté au sens propre, comme au sens figuré. Il y plus de liberté sur les réseaux sociaux avec malheureusement tous les excès qu’on connait.
Comment a été créée Coucou c’est Nous ?
Nous arrivions sur la dernière année de Ciel mon Mardi qui était séquencé de cette façon : un débat, un bloc note puis un débat plus léger. Le bloc note avait été rallongé et nous avons eu l’idée de faire un bloc note géant en access. Etienne Mougeotte, qui, pour moi, est un génie de la télé, nous a reçu pour que nous lui exposions cette idée et Christophe s’est battu pour que le programme arrive à l’antenne. Ce programme marchait aussi, encore une fois, grâce à une équipe exceptionnelle et soudée. Aussi, nous essayions de créer des happenings, des moments uniques souvent imaginés par Patrice Carmouze. Une fois, alors que Marseille était en finale de la Ligue des Champions à Munich, j’ai proposé à Etienne Mougeotte de déplacer l’émission sur place. TF1 avait déjà prévu un dispositif pour le JT etc… la direction nous offert la possibilité de rejoindre ce dispositif. Christophe s’est retrouvé au coeur des supporters dans une ambiance de dingue. Nous avons réalisé une audience de près de 7 millions de téléspectateurs. Nous travaillions avec la confiance de la TF1. Ce sont des moments incroyables.
Ce sont des programmes qui ont marqué toute une génération et le PAF !
Oui. De véritables rendez-vous ont été créés avec Ciel mon Mardi ou Coucou c’est nous. Le mardi soir les gens ne sortaient plus. De plus, la force du direct était qu’il ne fallait pas manquer l’émission faute de ne pas pouvoir la revoir et il ne fallait pas passer pour celui qui n’avait pas regardé le lendemain à la machine à café au bureau ! Il nous arrivait de terminer sur 7 millions de téléspectateurs à 1h du matin !
C’est quoi un bon producteur selon toi ?
Ce n’est pas forcément celui qui a des idées. C’est celui à qui le projet va être confié et qui va faire en sorte que ce dernier soit conforme à ce qui a été vendu à la chaine. C’est également celui qui va réussir à faire travailler toute ses équipes dans la meilleure ambiance possible, en osmose. En production, il faut que les projets sortent, il ne faut pas rester dans l’abstrait. Ce qui est commun à tous, c’est la magie de voir la concrétisation d’un projet. Se dire que celui-ci va être vu par des milliers de personnes. Un bon producteur et chef d’entreprise doit savoir être audacieux et s’imposer.
Les audiences sont importantes ?
Je les regarde tous les matins. Le plus important pour moi c’est de me dire que le travail fait a été vu par beaucoup de personnes. Mais les audiences restent des chiffres, c’est une notion qui est froide. Ce qui compte c’est de parler avec les gens, les chauffeurs de taxis, les gens qui nous entourent, de notre quotidien. Parler avec les gens c’est concret et cela vaut souvent plus que n’importe quelle étude marketing.
Tu trouves que la télé a changé ?
La télé reste un outil incroyable et formidable. Quand il y a eu le passage à l’an 2000 nous avions une mise en place particulière sur TF1 forcément. Avec Christophe, nous avions la tranche 17h-20h. Nous avions des correspondants dans le monde entier. J’étais à l’oreillette de Christophe et je lui citais des capitale à lancer à l’antenne pour rejoindre les correspondants en direct. Nous passions de Sidney à New-York puis Rome le temps d’un claquement de doigt. C’est cette force que j’aime dans la télé. Avec l’arrivée des télé réalité il faut faire attention à ne pas réussir sans talent.
Quels sont tes projets ?
Je travaille depuis l’an dernier sur la création d’un studio pour un groupe français présent sur les cinq continents. Forcément, avec la crise du Covid, tout prend plus de temps mais une fois concrétisé ce sera formidable. Avant ça j’ai beaucoup voyagé, notamment en Asie, mon continent de prédilection. J’avais remonté une boite de production au sein de “QUAD” juste après l’aventure Coyote mais c’était trop tôt. Après 27 années dans la même société je n’avait pas pris la mesure du besoin de faire une pause et de prendre un peu de temps pour soi. J’ai donc pris une année sabbatique et j’ai voyagé comme jamais.
Pourquoi as-tu choisis Atlantis pour installer tes bureaux ?
Deux, trois ans avant que je ne quitte Coyote, nous nous demandions s’il ne serait pas intéressant de déménager les bureaux afin d’intégrer un lieu où se croisent les sociétés de productions. J’ai, alors, rencontré Frédéric Houzelle et Hafida Benhamdane et en rentrant au bureau j’ai dit à Christophe que notre choix devait se porter sur Atlantis ! Sur le moment ça ne s’est pas fait mais quand j’ai cherché des bureaux, je savais que je devais venir ici. C’est un immeuble qui est vivant. De l’accueil à Régis à la Paillote qui a su faire de son restaurant une véritable maison, on se sent bien ici. Tout le monde travaille en collaboration, on croise tout le temps des gens. Il y a des attentions agréables et fédératrices. La grande réussite d’Atlantis est le brassage des gens.