Découvrez le parcours atypique de David Ordono, journaliste pour qui la fabrication est essentielle. Il partage avec nous son quotidien et ses expériences professionnelles.
Comment décrirais-tu ton métier ?
Je me présente comme étant journaliste mais je le suis depuis peu de temps finalement. Mon métier c’est de fabriquer, je dois livrer un contenu. Je n’ai pas suivi de formation de journaliste, j’ai un parcours atypique et j’ai eu la chance de faire de belles rencontres et de ne rien lâcher.
Quel est ton parcours justement ?
Je viens d’un village pas loin de Aurillac. Il y avait 6 maisons autour de la mienne… Nous restions beaucoup au village dans ma famille, à 10 ans je n’avais pas encore vu la mer par exemple. J’étais entouré de gens pour qui l’avenir était déjà tout tracé d’une certaine manière, avec peu d’ouverture. Chez moi c’était l’inverse, mon père, médecin, me poussait à partir. Ma seule fenêtre vers l’extérieur à cette époque, c’était la télé.
Mon inspiration de toujours c’est Ardisson. Il m’inspirait tant par son histoire que par sa carrière. “Tout le monde en parle” était fascinant pour moi. Côté études, j’ai fait une école de commerce : l’ISEG à Toulouse. Au bout de 3 mois d’école, je me suis rendu compte que je ne me reconnaissais pas du tout dans ce domaine. J’ai rapidement pensé aux médias, un milieu où on invente, où il y a de la création. Je n’ai pas l’âme d’un vendeur, mais celle d’un fabricant. J’avais une vraie soif d’entreprendre dans des domaines qui ont un sens pour moi.
Chez qui fait tu tes premières armes ?
J’ai commencé en stage à Radio France. Je travaillais sous la direction de Jean-Marie Cavada. La radio m’a fait découvrir une vision globale du métier et j’ai pu avoir une première ligne sur mon cv, c’était important.
Tu continue la radio ensuite ?
En fait, je suis tombé sur une annonce pour une radio locale près de Toulouse à L’Isle Jourdain à la suite de mon expérience chez Radio France. Il y avait une antenne, une fréquence FM et personne aux commandes. Il fallait tout relancer pour pouvoir garder la fréquence. Un challenge incroyablement excitant. J’avais l’expérience du spectateur et mon stage à Radio France. Là je me suis retrouvé avec une table de mixage à gérer. J’ai recruté une petite équipe de bénévoles et nous avons créé ensemble une grille. La radio a pu être sauvée. J’ai alors commencé à animer des petites émissions et je me suis improvisé journaliste. La radio c’est un hasard qui m’a beaucoup apporté… beaucoup de choses mais pas l’image. Cela me manquait.
Tu commences chez qui en télé ?
Chez D8. J’y ai été reçu par Damien Hammouchi pour commencer un stage à ses côtés. Au moment où il me fait visiter les locaux, je ne connaissais aucun des mots de vocabulaire qui sortaient de sa bouche! Je ne savais pas comment booker un invité par exemple. J’avais énormément à apprendre. Mon stage a duré très longtemps et je me suis retrouvé comme un poisson dans l’eau, je connaissais tout le monde et j’étais devenu un couteau-suisse. Rapidement, je me retrouve sur des concepts d’émissions avec Damien Hammouchi avec qui je noue une relation professionnelle très enrichissante. Nous nous sommes amusé à inventer des concepts à base de bouts de scotchs. J’ai ensuite travaillé pour Eden Prod. Dans cette dernière société de production, j’ai fait beaucoup de formats, je chapeautais également les projets en tant que producteur et journaliste. Arrive ensuite Clap aux côtés de Thomas Chagnaud. J’ai monté Clap Paris Weekend et j’ai ensuite continué avec Inside.
Qu’est-ce qui motive tes choix ?
On m’a souvent appelé pour créer des projets à partir de pages blanches. C’est ma particularité et c’est ce que j’aime.
Quelle est ton actualité?
Aujourd’hui j’ai repris Clap. Depuis l’expérience de Weekend, je suis resté assez proche de Laurent Mariotte. Il avait son émission sur Europe 1 : La Table du Dimanche. Je me suis retrouvé fin août 2021 en radio avec lui. Il y a deux ans j’ai eu l’idée de faire un podcast. J’ai alors monté une société avec Sylvain meyer et Gregory Aujol : Nola, une société de podcast. Ainsi est né “Chefs“. L’idée est d’interviewer des chefs et de parcourir avec eux leur vie et leur parcours professionnel. J’essaye de comprendre leur cuisine à travers l’intime. Quand tu comprends comment est faite l’assiette, tu comprends la vie des chefs.
Quel est le format ?
C’est devenu hebdomadaire. Le premier épisode date de juin 2020. Avec ce podcast je prends le temps je me pose parfois jusqu’à 8 heures en interview avec eux. J’ai découvert les grands entretiens avec ce format. C’est un exercice qui me plait.
Tu fais le psychologue d’une certaine manière?
Il le disent tous oui ! J’avais toujours ce truc du journaliste qui n’a pas la carte. Je ne viens pas de ce sérail. J’ai vu que je pouvais tenir les interviews. C’est un des projets dont je suis le plus fier de toute ma vie. Il faut savoir s’autoriser à faire des choses, il faut y aller. J’ai écrit 4 pièces de théâtre par exemple. Il faut oser les expériences et se les autoriser. Cette année, je n’ai fait que des choses créées par mes soins et c’est une chance. C’est très enthousiasmant.
Quelle est ta semaine type ?
Ma semaine type ne tient pas à cause de mes enfants. J’ai plusieurs strates, tout dépend de l’objectif de la journée. Quans je suis en montage, je dois programmer ou caler un invité… Les perspectives et les journées ne sont pas les mêmes en fonction de ce que j’ai à faire. Cependant, je dois me lever à 5h00 et à 5h30 je suis sur l’ordinateur car à 8h00 les enfants sont au milieu et une autre gestion commence.
Tu ne t’arrêtes jamais ?
Ah oui… j’ai même une association à Bièvres, ma ville, pour les enfants.
Il t’arrives de refuser un projet? Tu arrives à dire non?
Je l’avoue, c’est mon défaut. Oui… si le projet ne vient pas de moi. Mais bon, comme ils sont souvent de moi, c’est difficile de refuser.
Ta femme est dans le même domaine, vous arrivez à couper du travail une fois la porte de la maison fermée?
Nous avons de vrais moments de famille donc oui. Le soir je suis très souvent toujours en effervescence mais on y arrive.
Quel est ton rêve ?
Ouvir un lieu qui accueillerait et accompagnerait des gens dans leur journée. Le bon café, le bon restaurant. Un lieu épicurien, simple, local et saisonnier. Un lieu encré dans un territoire.
Tu as l’âme d’un épicurien !
Je suis fasciné par les gens qui offrent de bons moments. La nourriture c’est une manière de découvrir un territoire, une histoire, un environnement, la politique même. C’est un terrain qui cristallise beaucoup de valeurs essentielles. Il y a une vraie notion de plaisir. Pas d’autres domaines comme celui-ci offre ces possibilités. C’est vraiment unique.
Quel est ton meilleur souvenir professionnel ?
Un jour, je devais interviewer Richard Gere. on me prévient une heure avant car le journaliste n’était plus disponible. je n’avais pas vu le film. Je lui demande “C’est quoi la limite dans le mensonge”. Il répète plusieurs fois qu’il ne comprend pas la question. Je le braque, je suis hors sujet. Je suis sorti gêné en me disant que plus jamais je ne ferais une interview sans avoir lu le livre, vu le film. Bref, connaître son sujet. C’est la base. Je me dis que les rushs doivent disparaitre. J’ai coupé et recollé. Un autre moment marquant pour moi, la dernière mise à l’antenne d’un programme. Quand un bébé ne t’appartient plus, il y a toujours un pincement au coeur.
Quel est ton lien avec Atlantis?
Il est dingue! C’est ma plus grande histoire. J’y ai passé le plus de temps professionnel. J’ai toujours monté mes sujets . J’ai au passé des heures. j’ai pleuré, ri, bu, mangé ici. Tout se concrétise pour moi à Atlantis. Et à titre personnel, c’est ici que je me suis rendu compte que j’aimais celle qui allait devenir ma femme et la mère de mes enfants, c’est ici que je lui ai fait ma déclaration.
Quels conseils donnerais-tu à un jeune qui veut se lancer en télé ?
Ne comptes pas tes heures, ne comptes pas le temps. Ce que j’ai aujourd’hui je ne l’ai pas volé et j’ai donné beaucoup de mon temps. Il faut savoir s’investir. Tout est dans l’endurance. Il y a toujours des déconvenues et des cons mais il faut tenir et ne pas lâcher. Il faut fabriquer et après, on voit. Ne jamais baisser les bras.